
La perte de forêts est un problème mondial qui nous touche tous de par son impact sur les moyens de subsistance et le changement climatique. Cependant, les femmes et les enfants en subissent les conséquences de manière disproportionnée.
Bien que la vulnérabilité accrue des femmes soit due à diverses causes telles que la pauvreté, une gouvernance faible et des lois injustes, une des raisons principales est la capacité limitée des femmes à défendre leurs droits et à se faire entendre dans la gestion des ressources naturelles.
Qu'elle soit causée par l'exploitation forestière non durable ou le développement de plantations, la déforestation exacerbe la compétition pour les ressources et menace l'accès des femmes à la nourriture, aux médicaments et à d'autres produits essentiels à leur survie et à celle de leurs familles. Aujourd'hui, les femmes autochtones et en zones rurales représentent plus de la moitié des 2,5 milliards de personnes qui dépendent des terres coutumières. Pourtant, elles continuent d'être marginalisées et exclues des décisions liées à la gestion des forêts et des terres.
Une étude de Fern en 2019, intitulée Foresterie communautaire: opportunité ou mirage pour les femmes du bassin du Congo? montre que les femmes vivant dans les zones forestières de la République centrafricaine (RCA) et de la République du Congo ont tendance à ressentir plus fortement les effets de la déforestation et de la dégradation des forêts en raison de leurs rôles et responsabilités traditionnels. Les femmes vivant en zones rurales produisent la majorité de la nourriture. Elles sont également chargées de cultiver la terre et de collecter les produits forestiers non ligneux, l'eau et le bois de chauffe. Ainsi, lorsque les terres et les forêts sont dégradées au point qu'elles ne fournissent plus de nourriture, les femmes et les enfants sont les plus durement touchés.

Dans les deux pays, hommes et femmes reconnaissent l'importance d'une gestion forestière responsable, non seulement pour assurer leurs moyens de subsistance, mais également pour les générations futures. La foresterie communautaire est un outil de choix pour rendre la gestion forestière plus juste, mais le soutien des gouvernements est timide et variable, et les discussions ont encore tendance à exclure les femmes. Au Congo, selon les hommes et les femmes bantous interrogés, les femmes ne doivent pas nécessairement jouer un rôle clé dans la gestion des forêts, alors qu'en RCA, les communautés bantoues et autochtones estiment que tout le monde, hommes et femmes, doit être impliqué dans son amélioration. Néanmoins, les deux communautés reconnaissent que les femmes attachent une grande importance à leurs forêts et qu’elles ont une connaissance approfondie de la protection, de la mise en valeur et de l’utilisation des ressources forestières. Elles sont également conscientes qu’en dépit du rôle important des femmes, elles n’ont pas encore voix au chapitre dans les processus de prise de décision.
Comment les femmes peuvent-elles donc avoir une place plus grande dans les décisions concernant les forêts?
Philomène Biya et Nelly-Françoise Comte œuvrent depuis plusieurs années en faveur de la justice environnementale et climatique avec le Réseau Femmes Africaines pour le Développement Durable en RCA et le Réseau des femmes africaines pour la gestion communautaire des forêts (REFACOF) au Congo respectivement. Elles regrettent que les femmes n'aient pas été suffisamment impliquées dans les processus décisionnels liés à l'exploitation forestière, à la déforestation et aux questions foncières et qu’elles n’aient qu’une connaissance limitée des réformes en matière de gouvernance en cours, telles que les accords de partenariat volontaire (APV) ou le programme de réduction des émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts (REDD+).

Philomène et Nelly-Françoise « travaillent à la fois pour le renforcement des droits des femmes, l'élimination de la pauvreté et la protection des forêts, tout en continuant d'interpeller les gouvernements sur les menaces provenant du développement de l’agriculture à grande échelle, de la production d'agro-carburants et de l'accaparement de terres par les multinationales qui provoquent la perte de terres, la destruction de l'environnement, et marginalisent davantage les communautés locales et autochtones, et principalement les femmes en leur sein ».
« Nous sommes confortées par les actions courageuses des femmes autochtones et des communautés en Asie et en Amérique Latine qui s'opposent avec succès à la confiscation de leurs terres et à la destruction des forêts. Nous partageons ces exemples avec les femmes dans les zones forestières afin de montrer que les femmes peuvent défendre leurs terres et leurs droits ancestraux. », ont-elles expliqué.
Fern estime que la foresterie communautaire ne peut pas réussir si elle n'inclut pas les femmes et si elle n’intègre pas pleinement les questions de genre dans son développement et sa mise en œuvre.
Au Congo, l'introduction de quotas pour la participation des femmes aux organes de décision, en particulier dans la composition des conseils locaux des zones forestières, doit être mise à profit.
En RCA, une définition claire des droits des femmes dans les réglementations existantes en matière de foresterie communautaire contribuerait grandement à encourager le leadership des femmes et à générer un soutien plus large pour leur participation.
Pour Fern et tous ceux et celles qui défendent les droits des femmes, tout progrès suppose d’élaborer des lois forestières et foncières qui favoriseraient l’égalité entre les femmes et les hommes, de lutter contre les pratiques discriminatoires, d’éduquer les femmes sur leurs droits et de renforcer leur capacité à participer aux processus de gouvernance forestière et à accéder à des opportunités génératrices de revenus.
De telles actions permettraient à l’ensemble des membres des communautés locales dans ces pays de bénéficier de la gestion des forêts et de tirer des enseignements pour les pays du bassin du Congo dans leur ensemble. Elles doivent donc être au cœur des efforts déployés par les pays donateurs de l’UE ainsi que par les gouvernements de la région pour améliorer les conditions de vie des femmes y compris autochtones, tout en protégeant et en restaurant les forêts.

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