La République du Congo souhaite que l’agriculture soit au cœur de son développement économique. La loi de l’UE sur la déforestation peut limiter les dangers que l’agriculture représente pour les communautés et la nature
14 octobre 2024

L’expansion de l'agriculture est à l’origine de près de 90% de la déforestation mondiale.
La tentative de l’UE de s’attaquer à ce problème par le biais du règlement de l’UE sur la déforestation (RDUE) pourrait maintenant être reportée de 12 mois en raison de l’opposition de diverses parties, parmi lesquelles de nombreux intérêts particuliers.
Au début de cette année, nous avons entrepris de comprendre l’impact potentiel de la loi en République du Congo (RdC).
Cette tâche était particulièrement urgente en raison de l’ambition de notre gouvernement d’élever la production agricole au cœur de notre économie.
L’étude s’est appuyée sur des recherches documentaires, des entretiens avec des fonctionnaires, des groupes de discussion avec 30 producteurs à petite échelle de cacao dans les districts de Makoua et d'Owando, et la visite dans une plantation de cacao à Mvoula, dans le département de la Cuvette au nord de Brazzaville, qui abrite un important puits de carbone et la plus grande tourbière tropicale du monde.
L’objectif était de sensibiliser les petits producteurs au RDUE, de recueillir leurs perceptions, d'identifier l’impact potentiel du règlement sur leur situation et de comprendre les enjeux liés à la commercialisation de produits de base tels que le cacao.
Transformer le secteur agricole
Moins de 2% des 10 millions d’hectares de terres arables de la RdC sont actuellement cultivés. Mais le gouvernement souhaite transformer le secteur agricole en un pilier majeur de l’économie.
Pour ce faire, ils ont pris diverses mesures dans le programme de développement national 2022-2026 (PND) visant à promouvoir les cultures présentant un risque élevé de déforestation, telles que le café, le cacao, le palmier à huile et le caoutchouc.
L’ambition du Congo d’adhérer à l’Organisation internationale du cacao (ICCO) est un indicateur frappant de l’augmentation de la production que cela impliquerait : l’adhésion requiert une production annuelle d’au moins 80 000 tonnes de fèves de cacao, bien supérieure à la production actuelle de fèves de cacao du Congo, estimée à 10 000 tonnes pour la campagne de commercialisation 2022-2023.
L’augmentation de la production agricole à une si grande échelle pourrait atteindre fondamentalement la nature et les droits humains.
En particulier, la conversion d’autres terres boisées – notamment des tourbières et des savanes dans les départements du Pool, de la Cuvette, de la Cuvette Ouest, des Plateaux, de la Sangha et de la Likouala – en zones agricoles pour la culture du cacao et du palmier à huile, est susceptible de soumettre les Communautés Locales et Peuples Autochtones (CLPA) de ces départements, ainsi que la nature, à de fortes pressions.
Les savanes et les tourbières de la RdC jouent un rôle important dans l’environnement et le bien-être des populations autochtones qui vivent autour de ces zones et dépendent des activités agricoles et pastorales, ainsi que de la chasse et de la cueillette pour leur survie. A côté des forêts, qui représentent 69% du territoire national, les savanes congolaises abritent une biodiversité riche et variée. Les savanes et les tourbières jouent également un rôle essentiel dans l’équilibre climatique mondial et représentent environ 31% du territoire national.
La crainte qu’une minorité élitiste ou des entreprises privées, accumulant des terres pour des plantations de palmiers à grande échelle, ne creuse les inégalités en privant les petits producteurs et les communautés locales de l’accès à la terre, vient renforcer la crainte que l’expansion de l’agriculture n’intensifie la pression sur ces écosystèmes précieux. Ces CLPA sont déjà confrontés à des difficultés d’accès aux titres fonciers.
Il est donc essentiel de trouver un équilibre entre le développement économique et la conservation de la nature.
Moratoire
Le RDUE, lorsqu’il sera finalement mis en œuvre, pourrait être un outil important contre de tels dangers, et pourrait être encore plus efficace si son champ d’application était étendu à d’autres écosystèmes clés, tels que les savanes et les tourbières – bien que cela semble peu probable à l’heure actuelle.
L’UE devrait soutenir la mise en œuvre d’un système national de traçabilité pour les produits de base couverts par le RDUE qui sont menacés de déforestation. Ce système devrait respecter les critères définis dans notre rapport publié conjointement avec d’autres organisations de la société civile en mai 2024.
Le gouvernement de la République du Congo devrait mettre en place un moratoire sur la conversion à grande échelle d’autres terres boisées en zones agricoles. Il devrait également promouvoir, par le biais de la formation, des pratiques agricoles durables telles que l’agroforesterie et l’agriculture de conservation, qui concilient la production agricole et la protection de l’environnement.
En outre, la société civile devrait contrôler efficacement les engagements de la RdC en matière de gestion des ressources naturelles, notamment en agissant en tant qu’observateur indépendant et en utilisant les mécanismes de plainte du RDUE.
Phons Louis Ntoumbou est responsable du programme de gouvernance des ressources naturelles au Forum pour la gouvernance et les droits de l’homme (FGDH). Il a mené son étude / ses recherches avec la coordination de Maixent Fortunin Agnimbat Emeka, Directeur du FGDH.
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Image : Daniel Beltrá / Greenpeace
Catégories: News, Forest Watch, Partner Voices, EU Regulation on deforestation-free products, The Democratic Republic of Congo