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Le processus FLEGT au Libéria : l’UE s’apprête-t-elle à éteindre « la seule lueur d’espoir » ?

22 avril 2021

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Le processus FLEGT au Libéria : l’UE s’apprête-t-elle à éteindre « la seule lueur d’espoir » ?

Ces dernières années, l’administration libérienne a rechigné à s’appuyer sur les solides bases de gouvernance offertes par le processus de l’APV FLEGT entre l’UE et le Libéria. Mais, au lieu d’encourager le gouvernement du pays à prendre ses responsabilités et à redoubler d’efforts pour parvenir à l’octroi de licences dans le cadre de l’accord commercial contraignant qu’est l’APV, quelques éléments très déterminés au sein de la Commission européenne semblent vouloir jeter l’éponge, à en croire un bilan de qualité du règlement FLEGT, auquel très peu de parties prenantes – 175 contributeurs, dont 79 % d’Européens – ont participé.

Lorsque le président George Weah est arrivé au pouvoir en 2018, il a proclamé que sa priorité – louable – serait de sortir la population de la pauvreté. Mais le penchant de l’administration pour la simplicité s’est également traduit par la crainte de l’expertise technique, notamment au sein de l’Autorité de développement des forêts (FDA). En raison d’une expérience limitée du cadre réglementaire complexe du secteur forestier et de la priorité accordée à la volonté du président, la situation est au point mort. À ce marasme viennent s’ajouter les pressions que subit le directeur général de la FDA pour la perception des recettes (taxes sur le bois, amendes) dont le gouvernement a cruellement besoin, alors que son budget est déjà extrêmement restreint. Pour les communautés locales et les organisations de la société civile (OSC), les réunions multipartites organisées dans le cadre de FLEGT sont essentielles, mais le directeur n’y participe plus depuis 2018 et y envoie à sa place des subordonnés qui n’ont pas le pouvoir de prendre les décisions qui s’imposent sur des questions telles que la suite à réserver aux plaintes exprimées par les communautés. La FDA n’a pas non plus affecté de fonds nationaux à l’organisation des visites de suivi sur le terrain (alors que des fonds de la Norvège sont disponibles).

Mais le ministère de la Justice est intervenu pour veiller à ce que le cadre réglementaire continue de s’appliquer et un problème d’illégalité est sur le point d’être résolu, ce qui aura un effet sur la gestion de la FDA. Il importe également de noter qu’un mécanisme de traitement des plaintes a été mis en place en novembre 2020 par le Comité conjoint de mise en œuvre FLEGT pour contribuer à la mise en conformité.

Des encouragements de la part de l’UE pourraient faire avancer les choses, mais lors d’un échange virtuel organisé le 23 mars 2021 avec la Commission et des eurodéputés, les OSC libériennes se sont senties abandonnées. Elles ont également été décontenancées par l’opposition « licence/pas de licence » mise en évidence dans le bilan de qualité du règlement FLEGT, qui entraînerait de facto la mise au rebut des progrès réalisés jusqu’à présent dans le cadre de ce programme.

Même si les progrès sont chaotiques pour l’instant, les OSC considèrent l’APV comme le pilier sur lequel repose l’élan en faveur d’une meilleure gouvernance forestière dans le pays. « La mauvaise gouvernance et le manque de transparence et de redevabilité constituent les principaux problèmes à résoudre dans le cadre de FLEGT. D’une certaine manière, cet objectif a été atteint. Les communautés ont davantage voix au chapitre uniquement grâce à FLEGT – la distribution des bénéfices a repris uniquement grâce à FLEGT. Oui, il faut du temps pour que les progrès se matérialisent, mais FLEGT est un processus et les avancées en matière de gouvernance s’opèrent sur le long terme », a déclaré Jonathan Yiah du Sustainable Development Institute (SDI) du Libéria.

Pour les OSC, la conclusion selon laquelle l’APV ne permet pas d’améliorer la durabilité n’est pas logique. Il n’existait pas de système pour la prise de décisions durables avant FLEGT, expliquent-elles. C’est l’accent placé par FLEGT sur la participation des parties prenantes – et en particulier des communautés locales – qui a suscité cet élan en faveur de la durabilité au Libéria.

De même, l’idée d’établir de nouveaux partenariats pour les forêts, émise par certains services de la Commission, suscite la consternation. « L’UE se dirige vers l’adoption d’un autre processus, mais elle ne précise pas quels enseignements clés seront appliqués ou en quoi ces partenariats fonctionneront différemment », déclare un représentant de la Foundation for Community Initiatives (FCI). « Ils travailleraient avec le gouvernement libérien – qui, à terme, changera – dans le même contexte difficile, avec les mêmes communautés, mais sans nous donner l’avantage du cadre juridique qu’impose FLEGT. Sans cela, nous reviendrons à la case départ. »

Les OSC sont convaincues qu’il faut continuer de mettre l’accent sur la légalité pour garantir la durabilité. Elles expliquent que la loi libérienne sur les droits fonciers reconnaît les droits des communautés sur leurs terres, mais que des détails pratiques concernant les titres de propriété (tels que le nom à faire figurer sur le titre et le mode de gestion des terres) doivent être fixés dans un cadre juridique. L’engagement du gouvernement en faveur des droits des communautés forestières s’étiole lorsque des intérêts divergents se font jour. La durabilité est impossible sans bases juridiques pour lutter contre les actions non durables, martèlent les OSC.

Dans ce contexte, il est utile de disposer des structures et processus de FLEGT et de pouvoir considérer l’UE comme un puissant allié extérieur. Le désenchantement des communautés est dû à la lenteur des progrès du gouvernement libérien, et non à FLEGT. Elles exhortent l’UE à redynamiser FLEGT et à renforcer la durabilité et la légalité en parallèle, afin que les deux objectifs puissent être atteints.

« Nous sommes en effet très inquiets. Le processus FLEGT était notre seul espoir de parvenir à une gestion durable des forêts », déplore Jacob Hilton de la SDI. « Même avec FLEGT, nous observons que les entreprises et les autorités ont tendance à ne pas respecter l’état de droit ; sans FLEGT, nous assisterons au pillage des forêts qui subsistent encore dans le pays. »

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Catégories: News, Illegal logging, Liberia

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