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Le Règlement de l’UE sur la déforestation doit respecter les normes internationales sur les droits fonciers

23 juin 2022

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Le Règlement de l’UE sur la déforestation doit respecter les normes internationales sur les droits fonciers

L’Union européenne (UE) est le second plus grand marché pour le soja brésilien et un grand importateur de bœuf et de cuir brésiliens. Ces marchandises aggravent la déforestation – en grande partie illégale – au Brésil. L’élevage de bétail dans l’Amazonie brésilienne est le plus grand moteur de déforestation au monde.

L’UE est déterminée à faire face à sa responsabilité dans cette destruction en éliminant la déforestation de ses chaînes d’approvisionnement, cela nous parait extrêmement important. Non seulement elle peut influer les comportements des marchés mais son règlement sur les produits zéro déforestation pourrait aussi contribuer à faire des émules au niveau international.

Au Brésil, la proposition de règlement a suscité des réactions discordantes.

Sans surprise, l’agro-industrie – tout particulièrement le secteur du soja – a jusqu’à présent réagi négativement, affirmant que l’UE imposait des barrières non commerciales aux échanges et que le texte entraînerait une ingérence injustifiée dans les affaires intérieures.

Les ONG brésiliennes, les mouvements écologistes et les organisations autochtones ont en revanche globalement réagi positivement – mais émis une réserve de taille.

Une erreur capitale

Le fait que la proposition de règlement mise sur les lois des pays producteurs pour le respect des droits fonciers coutumiers des communautés est une erreur capitale.

Au Brésil, les lois protégeant les droits fonciers communautaires et autochtones ont été bafouées – et gravement affaiblies – depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Bolsonaro en janvier 2019. Selon Articulação dos Povos Indígenas do Brasil (APIB), le résultat est le suivant : « une hausse effrayante de la déforestation et une augmentation des violences contre les peuples autochtones, que ce soit par l’invasion des terres, des activités illégales comme l’extraction minière, ou d’autres actes d’agressions. »

C’est pourquoi en début d’année, de nombreuses ONG et organisations brésiliennes autochtones – ainsi que des groupes de 32 autres pays – ont signé une lettre ouverte aux législateurs de l’UE priant instamment ces derniers de modifier la proposition de règlement afin d’y inclure des mesures ayant pour objet de contraindre les entreprises à respecter les droits fonciers coutumiers des communautés, tels qu’ils sont définis par les normes internationales des droits humains.

Produits et écosystèmes absents du texte

Dans leur document de prise de position, l’Observatório do Clima (l’Observatoire pour le climat au Brésil) expose une autre lacune présente dans la proposition de loi dans sa version actuelle : si le texte contient certes une liste de produits et sous-produits très diversifiée, il faudrait y ajouter les produits dont le volume élevé des exportations entraîne d’énormes risques de déforestation, par exemple le coton, le maïs et les conserves de viande. En 2020, la viande transformée et notamment en conserve représentait 39 % des exportations de bœuf du Brésil vers l’UE.

La liste des écosystèmes qu’énumère la proposition est en outre limitée. Le texte utilise la définition que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) donne des forêts et ne tient donc pas compte des écosystèmes naturels que sont les savanes (par exemple le Cerrado brésilien et la Caatinga), les zones humides (par exemple le Pantanal) et les prairies naturelles (par exemple la Pampa). Ces biomes ont pâti d’une cadence de déforestation et de conversion qui s’accélère sous l’effet de l’expansion de l’agro-industrie.

L’Observatório do Clima craint également que si l’UE détermine unilatéralement le niveau de risque qu’elle attribuera aux pays producteurs, comme énoncé dans la proposition de la Commission. Cela risque de ne pas prendre pleinement en compte les réalités locales. L’évaluation des risques devrait s’inscrire dans un travail d’analyse ouvert, où des canaux sont mis en place pour consulter les peuples des pays concernés. L’unilatéralité de la détermination des risques donne une impression d’ingérence et de protectionnisme. Elle amenuise en outre la légitimité de la décision, par ailleurs pertinente, qu’a prise l’UE.

De plus, ils estiment que les critères qu’utilisera l’UE pour évaluer les risques que posent les produits en termes de déforestation et de dégradation des forêts doivent être définis à l’échelon national du Brésil. En effet, les autorités sous-nationales (« États ») ne sont ni équipées pour lutter contre la déforestation ni juridiquement habilitées à le faire. La majeure partie des règles administratives, lois et autorités d’exécution sont concentrées à l’échelon fédéral. Les États suivent la plupart des règles et tendances fédérales. Pour d’autres questions que la déforestation, des critères d’évaluation peuvent être fixés pour les autorités sous-nationales.

« S’il est remédié aux lacunes ici décrites, alors ce règlement pourra répondre aux espoirs que beaucoup nourrissent à son égard, et devenir un outil indispensable à la protection des forêts tropicales et notamment de l’Amazonie. » explique Marcio Astrini, secrétaire executif de l’Observatório do Clima.

Catégorie: Brazil

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