
Le 1er septembre 2020, le gouvernement du Viêt Nam a publié le très attendu décret sur le système de vérification de la légalité du bois, qui régit la mise en œuvre des aspects de l’accord de partenariat volontaire (APV) FLEGT relatifs à la vérification de la légalité. Les ONG vietnamiennes qui plaçaient beaucoup d’espoir dans ce décret ont été déçues.
Le texte se concentre sur des détails administratifs et des réglementations pour les opérateurs, mais les protections sociales et environnementales ainsi que le rôle de la société civile dans la défense de ces protections n’y sont pas du tout abordés. Cette omission aura des répercussions considérables et les ONG vietnamiennes sont inquiètes.
Le champ d’application du décret est limité. La vérification de l’origine du bois (article 9) et le système de classification des organisations (SCO) ne s’appliquent qu’aux exportateurs, alors que le système est censé favoriser la légalité dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, y compris pour les opérateurs exploitant du bois national et importé. La première réaction de l’UE a porté sur cette limitation, un point qu’elle a évoqué dans une lettre au ministère de l’Agriculture et du Développement rural, chargé de superviser l’Administration vietnamienne des forêts.
Les ONG vietnamiennes ont également fait part de leurs préoccupations concernant d’autres restrictions de ce décret, par exemple son application aux forêts naturelles et non aux plantations. Elles appellent l’attention sur les défaillances du SCO pour la classification des pays d’origine et des types d’entreprises, qui sera appliquée dans toutes les provinces du pays : de nombreuses catégories prévoient d’octroyer automatiquement des « feux verts » ou permettent de procéder seulement à une vérification superficielle d’un échantillon de bois et de produits dérivés du bois, ce qui laisse la porte ouverte à la corruption et à des interruptions de la chaîne de traçabilité.
L’évaluation indépendante du système de légalité prévue dans le décret (article 22) inquiète également les ONG vietnamiennes. Les critères définissant les organisations autorisées à procéder à ces évaluations sont si limitatifs que les ONG sont automatiquement exclues (p. ex. référence à la norme de qualité ISO 17021 pour les auditeurs, une norme qu’aucune ONG vietnamienne ne possède). Le décret ne mentionne que la participation d’organes de l’administration, que ce soit au niveau provincial ou national (autorités de la CITES, agents des douanes, Administration des forêts et ministère de l’Agriculture et du Développement rural), ce qui laisse planer le doute sur l’« indépendance » de ces évaluations « indépendantes ». En particulier, l’APV conclu entre l’UE et le Viêt Nam, dans son article 10 sur l’évaluation indépendante, dispose que le suivi et l’évaluation doivent être effectués par des organismes libres de tout « conflit d’intérêts » avec, entre autres, les autorités réglementaires.
Le suivi plus large des impacts de l’APV sur différents groupes a également été tronqué. L’article 23 dresse la liste des systèmes à évaluer (en plus d’« autres domaines à définir par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural »). Il n’est fait mention nulle part des impacts sur les communautés locales ou les minorités ethniques, alors que l’APV prévoit de limiter les effets négatifs sur ces populations (dans son article 16 consacré aux garanties sociales). Le rôle de la société civile dans la protection de ces groupes n’est pas non plus mentionné.
En fait, le décret ne fait aucunement mention de la société civile : rien n’est prévu pour la participation des ONG vietnamiennes au système de légalité, leur rôle n’est pas reconnu, elles n’ont aucun accès au système et aucune tâche ne leur est confiée.
L’APV FLEGT visait à instaurer une culture de la légalité dans le commerce du bois et à améliorer la gouvernance des forêts, à encourager la durabilité et à protéger les populations qui subissent les effets du commerce du bois, mais le sapement des piliers de la gouvernance forestière – participation de toutes les parties prenantes, transparence et accès à l’information – marque un recul en arrière. En l’état, le décret sur le système de vérification de la légalité du bois ne respecte pas les normes de l’APV FLEGT relatives à la participation, à la prise en compte des intérêts des populations vulnérables et à la durabilité.
Dans ces conditions difficiles, SRD et les ONG vietnamiennes continuent de travailler sur les problématiques liées à la gouvernance forestière et à la légalité du bois, notamment sur les questions relatives à la transparence, à l’égalité des sexes, aux droits fonciers et aux mécanismes de partage des bénéfices. Récemment, SRD, en collaboration avec le réseau d’ONG vietnamiennes VNGO-FLEGT, a organisé le troisième Forum multipartite sur la gouvernance des forêts et le commerce durable du bois (à Hanoï, le 21 octobre 2020), lors duquel un représentant de l’Administration vietnamienne des forêts a présenté les rôles joués par les différentes parties prenante. Les ONG vietnamiennes nourrissent toujours l’espoir que l’UE demandera au ministère de l’Agriculture et du Développement rural d’émettre des politiques pour la mise en application du décret et des réglementations avant la délivrance des licences FLEGT, et qu’elle se rangera du côté des ONG pour faire pression en faveur de la participation des parties prenantes.
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