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L’observation indépendante des forêts en République du Congo : un outil au service de la gouvernance en sursis ?

25 octobre 2021

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L’observation indépendante des forêts en République du Congo : un outil au service de la gouvernance en sursis ?

En République du Congo, le secteur forestier continue de faire face à des défis de gouvernance. Les autorités peinent souvent à faire appliquer les lois et à sanctionner les pratiques illégales dans l’exploitation du bois et la corruption demeure omniprésente. La société civile s’est considérablement investie dans des initiatives visant à mettre fin à la destruction des forêts et à lutter contre les infractions à la législation, notamment à travers l’observation indépendante des forêts. Cet outil en pleine évolution fournit un éclairage toujours plus grand sur les activités du secteur forestier. Mais les doutes exprimés par la Commission européenne quant à l’avenir des Accords de partenariat volontaire du Plan d’action de l’UE relatif à l’application des réglementations forestières, à la gouvernance et aux échanges commerciaux (APV-FLEGT) suscitent d’importantes inquiétudes au sein des organisations de la société civile (OSC). Elles craignent que, malgré le chemin parcouru, un abandon des APV ne mettent à mal les efforts de transparence et participation de l’ensemble des acteurs qui permettent à l’OI d’exister. Le risque que les progrès durement acquis pour lutter contre l’exploitation illégale des forêts ne s’effondrent est bien réel.

Au Congo, comme ailleurs (voir RCA), plusieurs types d’OI se complètent.

L’OI mandatée par l’État et inscrite dans le nouveau code forestier promulgué en 2020 consiste en un accord officiel entre l’administration forestière et la société civile à travers lequel le Cercle pour l’Appui à la Gestion Durable des Forêts (CAGDF) effectue des missions de contrôle conjointes sur le terrain. Outre ces missions, le CAGDF apporte un soutien technique inestimable aux autorités forestières, en comptabilisant les taxes forestières et les amendes impayées. Cet appui a permis le recouvrement de millions d’euros de revenus dus à l’État qui seraient passés inaperçus autrement. Toutefois, comme c’est le cas dans d’autres pays riverains du bassin du Congo, les observateurs mandatés sont trop peu nombreux pour couvrir à eux seuls l’ensemble du territoire national.

Fort heureusement, l’OI non mandatée – « externe » – se développe rapidement. Sous la coordination du Comptoir Juridique Junior (CJJ), un consortium d’organisations nationales s’est constitué avec l’appui financier de la délégation de l’Union européenne au Congo. Le consortium réalise des missions d’OI autonomes et soumet ses rapports sur les illégalités constatées à l’administration forestière. Le consortium met en place une version nationale du Système Normalisé d’Observation Indépendante Externe (SNOIE) créé par l’organisation camerounaise FODER pour standardiser les différentes méthodes d’OI externe. La fiabilité du SNOIE-Cameroun a été certifiée par l’Organisation Internationale de Normalisation (ISO 9001:2015), une première mondiale pour une OSC.

Lilian Barros, du CJJ, explique qu’actuellement FODER forme huit OSC congolaises aux éléments distincts sur lesquels repose l’OI externe. FODER participera également à la préparation de l’audit interne nécessaire à la certification du SNOIE-Congo selon la norme ISO 9001:2015. Le Comité conjoint de mise en œuvre de l’APV-FLEGT, la structure nationale chargée de la supervision de ce processus au Congo, a officiellement reconnu l’OI externe effectuée par le SNOIE-Congo au même titre que l’OI mandatée.

CJJ travaille avec les communautés locales et les peuples autochtones dans les départements forestiers de la Lékoumou et la Likouala pour mettre en place un système de veille communautaire, et les aider à identifier les infractions forestières, à utiliser la technologie ForestLink pour lancer des alertes en temps réel sur des infractions forestières et violations de droits suspectées, et intenter des actions en justice si nécessaire.

« Même embryonnaire, la veille communautaire constitue un maillon important dans la chaîne de l’OI. Elle a déjà produit des résultats dans le cadre d’autres initiatives de la société civile notamment le projet Forest Governance, Markets and Climate (FGMC) financé par le bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth du gouvernement britannique », explique Nina Cynthia Kiyindou Yombo, de l’Observatoire Congolais des Droits de l’Homme (OCDH). « Par exemple, la communauté du village Missama, dans la Lékoumou, a observé une coupe illégale opérée par une société agricole, l’a dénoncée à l’administration forestière et a saisi le matériel de la société ; l’administration a appuyé la communauté et a saisi le bois coupé frauduleusement. L’administration foncière a annulé l’autorisation d’occupation expresse du domaine public. »

Contrairement à ses voisins du Bassin du Congo, l’OI au Congo dispose d’une base juridique solide : elle est intégrée dans le nouveau code forestier, ce qui constitue une avancée importante. Néanmoins, les décrets d’application de cette loi seront nécessaires pour encadrer la mise en œuvre de l’OI et sont en cours d’élaboration.

Il y a-t-il péril en la demeure ?

« L’OI a été possible grâce aux acquis spécifiques de l’APV : l’obligation de transparence à travers la liste des informations à rendre publiques ainsi que la participation et la prise en compte des droits des communautés locales et des populations autochtones – mais aussi les structures qui ont été mises en place pour le renforcement du contrôle forestier », a déclaré Nina Cynthia Kiyindou Yombo. « La réforme règlementaire en cours dans le secteur forestier serait touchée par un abandon des APV tel que proposé par la Commission européenne dans son bilan de santé du FLEGT

Outre les changements profonds qu’il a déclenchés en matière de gouvernance, la puissance du FLEGT réside aussi dans son approche. « Du point de vue du contrôle forestier et de la reconnaissance des droits, l’APV est devenu un modèle sur lequel d’autres processus de gouvernance dans le pays s’appuient – par exemple l’Initiative pour la Forêt de l’Afrique centrale (CAFI) qui a placé la participation et l’inclusion de toutes les parties prenantes au cœur de ses priorités. Dépouiller le Congo de l’APV serait une catastrophe pour l’OI, certes, mais aussi plus largement pour la gouvernance », a-t-elle ajouté.

Le souhait de la société civile congolaise est que la Commission européenne « laisse vivre et grandir » l’APV, même si un nouvel outil, distinct du FLEGT, pourrait aborder les questions que l’APV ne prend pas en compte, comme le changement climatique. Que la Commission puisse envisager de tout laisser tomber parce que les autorisations FLEGT n’ont pas encore été délivrées partout semble injustifié. Les OSC congolaises suggèrent une autre réponse : « L’absence de licences ne doit pas être un sujet de crispation, mais doit plutôt encourager toutes les parties prenantes à renforcer le processus afin de lever les obstacles rencontrés. »

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Catégories: Forest Governance, The Republic of Congo

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