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L’ombre de la « Loi omnibus » controversée en Indonésie planera longtemps sur le pays

16 novembre 2020

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L’ombre de la « Loi omnibus » controversée en Indonésie planera longtemps sur le pays

La société civile indonésienne est sans cesse confrontée à des problèmes de transparence, mais cette année, des troubles sociaux et la pandémie de COVID-19 ont aggravé la situation. L’annulation, par le gouvernement, d’une règle privilégiant les profits à court terme à l’intérêt de la population – une victoire engrangée plus tôt cette année – n’est plus qu’un lointain souvenir depuis le passage de la « loi omnibus ».

La société civile s'était déjà inquiétée en avril 2020 quand le ministère du Commerce avait adopté le règlement P15/2020 « pour atténuer l’impact économique de la pandémie ». Ce règlement a autorisé l’exportation de produits forestiers sans devoir présenter les documents légaux exigés au titre du système de vérification de la légalité (SVLK) mis en place dans le cadre de l’accord de partenariat volontaire (APV) conclu avec l’UE. Ce règlement ne serait donc pas conforme aux dispositions de l’APV (FW 254). Les organisations de la société civile (OSC) ont coopéré avec un groupe composé de différents acteurs, dont des associations professionnelles en Belgique, au Royaume-Uni et en Italie, et même le ministère indonésien des Forêts, afin d’exercer des pressions sur le ministère du Commerce et, en mai 2020, le règlement P45/2020 a été adopté, révoquant discrètement le règlement P15/2020.

Comme ailleurs, la COVID-19 a jeté un voile d’incertitude sur les processus de gouvernance forestière. L’évaluation périodique (EP) annuelle, qui devait recenser les forces et les faiblesses du SVLK indonésien dans la pratique, devait commencer en septembre 2020. On ne sait pas si le processus a été lancé, mais les OSC ont reçu la confirmation que les résultats seraient prêts pour la fin de l’année. La réunion de 2020 du Comité conjoint de mise en œuvre FLEGT a été reportée et se tiendra probablement début 2021.

Une impulsion positive a toutefois été donnée par le suivi des impacts (SI) généraux du SVLK sur le secteur privé, les communautés locales, les petits exploitants et les artisans, ainsi que sur la santé des forêts. Des références ont été établies par rapport à l’année 2017 concernant la gouvernance forestière et les institutions responsables des forêts, l’exploitation illégale des forêts, l’état des forêts, le développement économique et les moyens de subsistance. L’édition 2019 de ce rapport de SI évaluera les évolutions par rapport à ces données de référence ; il reste à espérer qu’elle analysera l’origine de ces impacts. Ce rapport est très attendu en Indonésie, mais aussi en Afrique et en Amérique latine.

Les OSC avaient entendu que le rapport était prêt en juin 2020, mais elles ont ensuite été invitées à une consultation en ligne sur ce rapport le 15 octobre. Les débats ont été fructueux. Le consultant chargé du SI avait étudié la problématique de l’exploitation illégale des forêts sur la base de documents du ministère des Forêts, mais les OSC lui ont demandé de recueillir également des informations auprès des bureaux de la police locale. Elles ont par ailleurs insisté pour qu’il se penche sur l’impact des opérations d’abattage et qu’il ne se concentre pas uniquement sur les activités des artisans locaux, mais bien aussi sur les moyens de subsistance et le bien-être des communautés locales.

Elles ont eu le sentiment que leurs recommandations étaient bien accueillies et qu’elles seraient suivies.

La « loi omnibus » (LO, loi no 11 de 2020) adoptée le 5 octobre risque d’ébranler le cadre de gouvernance forestière positif approuvé plus tôt dans l’année (FW 253). La LO vise à favoriser le commerce, non seulement dans le secteur forestier, mais aussi dans les secteurs de l’extraction minière et de l’huile de palme, en « facilitant » la procédure d’octroi de permis. Pour ce faire, il est proposé dans le projet de loi de réduire les droits et les protections juridiques des travailleurs, d’exclure les populations autochtones et les communautés locales des processus de prise de décision, et de limiter les recours de la part des populations subissant des effets négatifs. En particulier, la loi 32/2009 sur la protection et la gestion de l’environnement a été démantelée, avec la modification de 30 articles, la suppression de 17 autres et l’ajout d’un nouvel article. Le texte faisant plus de 1 000 pages, une analyse complète n’a pas encore pu être réalisée.

Conscientes que la LO anéantira toutes les protections qu’elles étaient parvenues à mettre en place, les OSC de tous bords – des syndicats, ainsi que des associations environnementales et sociales – ont peur et protestent contre cette loi depuis qu’elle a été proposée en février 2020. Les troubles sociaux se sont poursuivis même après l’adoption de la loi. La stratégie privilégiée à présent est celle d’une large coalition d’OSC, dirigée par des syndicats, mais avec le soutien d’autres parties prenantes, afin de lancer une action en justice devant les tribunaux indonésiens et d’obtenir un contrôle juridictionnel des dispositions les plus préjudiciables de la LO.

Catégories: EU-Indonesia Free Trade Agreement, Indonesia

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