
La recevabilité à l’Assemblée nationale le 5 juin 2020, d’une proposition de loi sur la protection des droits des peuples autochtones pygmées, visant à redresser les discriminations dont ce peuple fait l’objet, à protéger leur culture et à renforcer la contribution à la gestion durable des forêts, marque un grand pas en avant. Ce combat de dix ans a été porté par une synergie d’organisations des peuples autochtones avec à la tête la Dynamique des groupes des peuples autochtones (DGPA), le Programme Intégré pour le Développement du Peuple Pygmée au Kivu (PIDP) réunies au sein de la plateforme nationale des structures autochtones (REPALEF-RDC)1 ; elles ont mené récemment un travail de sensibilisation des parlementaires. Parmi leurs revendications : la transparence, leur implication sérieuse dans les décisions politiques susceptibles de les toucher, la reconnaissance de leurs droits à la terre et aux ressources naturelles qui constituent le socle de leur culture.
La proposition a été transmise devant une commission mixte (Politique, Administrative, Juridique ; Sociale et Culturelle ; Droit de l’Homme) pour analyse ; leur rapport a été adopté par l’Assemblée nationale en plénière, à l’unanimité, le 26 novembre 2020. L’adoption définitive le 7 décembre semblait assurée, mais le jour du débat une pétition a été présentée − et votée − pour la destitution de la présidente de l’Assemblée. Le processus de la loi autochtone pourrait se finaliser avant la fin de la session, de mars-avril 2021, mais pour l’instant les querelles se poursuivent, houleuses.
La révision des CDN et la difficulté de participer au processus restent au-devant de la scène. En tentant de s’impliquer, les OSC ont découvert que le processus était déjà en cours − pas un début prometteur. Lors d’un atelier organisé par CEDEN, la société civile a validé une étude sur les CDN et a communiqué une note de position au gouvernement. Ils ne savent pas si le document envoyé au secrétariat CCNUCC incorporait leurs positions phares. Le point focal climat a deux fois promis de les laisser voir la ‘feuille de route’ des CDN. Pour l’instant, aucun document n’a été partagé.
Les OSC s’inquiètent pour la cohérence des programmes liés aux CDN : la matière est intersectorielle, mais reste gérée par le Ministère de l’Environnement et des Forêts – qui n’a pas d’autorité sur les autres ministères concernés. Pour encourager la cohérence, les OSC voudraient mettre le processus CDN sous la coupole du premier ministre, pour ainsi intégrer la politique climatique dans chaque politique sectorielle, et que chaque politique soit guidée par les exigences climatiques.
Concrètement, les OSC voudraient que le rôle des forêts et de la gouvernance soient amplifiés, mais dans le strict respect des droits humains, et spécifiquement des communautés locales, peuples autochtones (CLPA) et du genre. Ils voudraient assurer la mise en place de mécanismes financiers pour soutenir les activités définies par les CDN ; concrètement, les CLPA ne peuvent pas mettre en œuvre des programmes sans cet appui.
Surtout, la concertation doit s’améliorer, que ces communautés n’aient pas à « subir, mais bien de participer à la formulation des CDN ». Elles voudraient éviter des programmes pas réalistes − trop bureaucratiques, mis en œuvre par des experts d’ailleurs qui ne maîtrisent pas la situation locale, et s’inquiètent que le gouvernement et le secteur privé abordent la concertation « de manière cavalière ». Moyennant un financement, elles voudraient porter elles-mêmes leurs voix jusqu’à la COP26.
Ces mêmes inquiétudes se reflètent dans la préparation de la COP15 de la Convention sur la Biodiversité. Les priorités d’Aichi telles que traduites dans le cadre national (4.2), fixaient à 17 pour cent les espaces protégés ; le cadre post-2020 prévoit la possibilité d’augmenter ces espaces à 30 pour cent. Dans un cadre de concertation défaillante, ce prospect inspire une peur véritable chez les CLPA autour de la violation de leur droits coutumiers et leur exclusion. Ils souhaiteraient vivement participer à imaginer et façonner d’autres solutions efficaces de conservation afin de capitaliser sur leur mode de vie naturel et leurs connaissances traditionnelles approfondies ; une approche cohérente qui protégerait la biodiversité, les forêts et le climat.
Entretiens avec Joseph Itwonga, REPALEAC ; et Pasteur Matthieu Yela, CEDEN
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