
Le sixième sommet Union européenne (UE)-Union africaine, s’est tenu à Bruxelles, Belgique, les 17 et 18 février 2022. Selon les organisateurs, l’événement a marqué un tournant décisif en faveur d’un renouvellement du partenariat. Un des enjeux de ces rencontres était de renforcer la collaboration bilatérale afin de répondre aux multiples défis liés à la conservation de la biodiversité et aux changements climatiques en Afrique.
Malgré des déclarations louables et une couverture médiatique importante, le sommet n’a toutefois pas laissé entrevoir un nouveau partenariat d’égal à égal escompté, ni débouché sur des progrès notables pour la biodiversité, le climat ou les populations vulnérables.
- L’UE d’abord. Se tenant tous les trois ans depuis 2000, ce sommet est devenu un élément fondamental des relations entre l’Afrique et l’UE et permet aux responsables politiques de définir ensemble des priorités et actions communes. Toutefois, cette édition a une nouvelle fois échoué dans différents domaines, notamment du point de vue des engagements pour la biodiversité et le climat à l’égard de l’Afrique, intégrés au pacte vert pour l’Europe.
Il convient également de signaler que les annonces concernant l’aide et l’investissement destinés à l’Afrique (environ 150 milliards d’euros) ne sont pas fondées sur les listes de priorités que l’Union africaine et la société civile d’Afrique ont dressé. Ces annonces visent principalement à contribuer aux interventions qui servent les intérêts de l’UE en matière de sécurité, de migration, d’accès aux ressources naturelles essentielles et de limitation de l’influence de la Chine et de la Russie à l’échelle mondiale.
- L’obsession pour les énergies et le carbone. L’ambition de ce sommet en matière d’action climatique se limite à la transition énergétique et à la transition écologique, prévoyant notamment de soutenir la mise en œuvre des plans nationaux des pays africains au titre de l’accord de Paris. Le fait d’ignorer que le continent est déjà en première ligne des effets des changements climatiques alors même qu’il n’y a quasiment pas contribué est simplement insatisfaisant. La société civile d’Afrique et ses partenaires au sein de l’UE demandent à ce que les terres africaines ne soient pas considérées comme des actifs destinés à compenser les émissions de carbone des principaux pollueurs, qu’il s’agisse d’États ou de sociétés, sous couvert de générer de possibles crédits d’émission de carbone qui ne feront qu’accroître la financiarisation de la nature. Au-delà des promesses, l’octroi de fonds est également important. En effet, seule une fraction des 100 milliards de dollars annuels promis aux pays en développement puis confirmés à Paris a été mobilisée, générant en outre des inquiétudes concernant la transparence et les effets sur les communautés locales et les peuples autochtones.
- Peu de progrès sur la biodiversité. Les engagements en faveur de la protection de la biodiversité se sont révélés désespérément vagues. Les organisations de la société civile avaient hâte d’entendre l’Europe annoncer qu’elle mettrait fin aux violations des droits humains ainsi qu’à la dépossession de terres qui accompagnent trop souvent les initiatives de conservation et qu’elle encouragerait des approches ascendantes, renforçant ainsi la résilience dans les programmes de conservation ciblant les communautés locales et les peuples autochtones. Au lieu de cela, sur la manière dont l’UE et l’Union africaine comptent protéger la biodiversité : silence radio. Par ailleurs, durant ce sommet, il n’a jamais été question de NaturAfrica, la nouvelle initiative phare de l’UE pour protéger les espèces sauvages et les écosystèmes en Afrique.
- Les nouvelles dispositions réglementaires de l’UE pour combattre la déforestation n’ont pas été mentionnées, même si ces initiatives pourraient constituer un pas en avant considérable en faveur de la gouvernance environnementale mondiale et une formidable occasion de limiter drastiquement les effets négatifs des activités de l’UE sur les personnes et la planète. Les participants au sommet auraient pu discuter de la façon d’obtenir l’appui politique des pays partenaires et expliquer en quoi ces dispositions promeuvent le respect des droits humains ainsi que des droits des peuples autochtones et des communautés locales et renforcent les engagements en vigueur, tels que les accords de partenariat volontaire, afin d’améliorer la gouvernance forestière et de combattre l’exploitation illégale des forêts.
- Les moyens de subsistance des populations locales sont déterminants. Les décideurs de l’Union africaine et de l’UE ont souligné l’importance d’une croissance durable, sans toutefois saisir une nouvelle occasion d’exposer en détail ce que cette notion implique pour les moyens de subsistance et les besoins des populations. Ce sommet aurait pu être l’occasion de faire appel à la stratégie « De la ferme à la table », la composante agricole du pacte vert pour l’Europe, pour qu’elle promeuve une transition efficace, juste et plus que nécessaire à l’échelle mondiale vers des systèmes agroalimentaires inclusifs et durables en exigeant une transition qui ne nuit pas aux producteurs et agriculteurs à petite échelle dans l’UE et les pays en développement.
Les responsables politiques de l’UE et d’Afrique se sont engagés à collaborer afin de favoriser un renforcement du multilatéralisme, mais cette démarche doit garantir la participation réelle de la société civile. Il est temps pour l’UE et l’Union africaine de ne plus simplement privilégier les intérêts économiques et politiques des plus puissants et de bâtir un « partenariat véritablement bénéfiques pour toutes et tous ».
Catégories: Forest Watch, Forest Governance